Délit de solidarité asiatique
Source :
http://www.nordeclair.fr
vendredi 06 novembre 2009
Un ouvrier originaire du Laos comparaît pour le fameux délit d'aide au séjour irrégulier d'un étranger. La préfecture croit avoir affaire à une filière mafieuse. Mais tout finit par une relaxe.
C'est un petit homme rondelet au visage avenant et à l'accent asiatique prononcé qui tente de s'expliquer au prétoire. Cet ouvrier du textile roubaisien est accusé d'avoir facilité le séjour irrégulier de sept compatriotes laotiens. Mais pour M e Antoine Berthe, son avocat fin spécialiste des questions de droit des étrangers, l'infraction n'est pas répréhensible pénalement. Alors, que lui reproche-t-on exactement ?
Tout commence par un petit doute du côté de la préfecture dans le traitement des dossiers de demande d'asile. Le nom de Bounma S. revient à plusieurs reprises comme l'hébergeur déclaré de certains demandeurs. Il n'en faut pas plus pour faire naître des suspicions de trafic. D'autant que le prévenu a été condamné une première fois en 1999. « La PAF (police aux frontières, ndlr) a tout les ingrédients pour se dire, "ça y est, on tient une filière Laos connection" », ironise Me Antoine Berthe.
Chanteur ou maître chanteur Placé en garde à vue et interrogé à plusieurs reprises, le prévenu reconnaît avoir rédigé des certificats d'hébergement « pour une nièce et des cousins » qui seraient pour cinq d'entre eux « passés » par son domicile avant de tenter de trouver du travail à Paris.
Le vieil homme descend de temps en temps dans la capitale où il officie comme chanteur dans des restaurants ou cafés de la communauté, un milieu dans lequel il a tissé certains liens qu'il met à profit pour aider ses compatriotes. Chanteur oui, maître chanteur, non. Car aucune preuve d'une quelconque rétribution financière n'est apportée par l'enquête. « C'est simplement de la solidarité familiale étendue », estime l'avocat de la défense.
Attestations de complaisance
« Il a tout de même permis par son aide à maintenir des personnes en situation irrégulière sur le territoire, des gens qui travaillent alors qu'ils n'en ont pas le droit, tempête le procureur Isbled. Et puis on retrouve mention de sept noms différents. Je ne suis pas spécialiste de culture thaïlandaise (sic) mais c'est un peu aberrant pour une seule famille. » Le prévenu assiste aux feux des deux parties sans piper mot. Car maître Antoine Berthe n'en démord pas : « Rien ne nous dit que ces personnes ne possédaient pas de titre de séjour au moment où mon client a rédigé ces certificats. Comme les parents qui font une attestation de domicile dans la ville d'à côté pour obtenir une place en crèche pour leurs enfants, c'est juste une attestation de complaisance. Ce n'est pas normal, mais ce n'est pas condamné par la loi pénale. » La conséquence est logique : relaxe.